De la fourche à la fourchette : ce slogan rappelle à quel point agriculture et alimentation sont liées. Et si les agriculteurs doivent revoir leurs pratiques, les consommateurs doivent aussi faire leur part. Sans cela, tout changement pour réduire les émissions de gaz à effet de serre sera vain. L’expert en énergie, Jean-Marc Jancovici, nous livre ici explications et conseils en matière de dépenses alimentaires.
Que représentent l’agriculture et l’alimentation en émission de CO2 en France ?
Selon un rapport publié en 2024 par le Haut conseil pour le climat, l’alimentation représente 22 % de l’empreinte carbone des Français. Cette empreinte carbone ne diminue qu’insuffisamment au regard des objectifs climat.
L’agriculture, c’est environ 20 % des émissions, pour 2 % du PIB. Un économiste mal réveillé pourrait dire qu’il n’y a qu’à supprimer l’agriculture ! On perd juste 2 % de nos revenus et on baisse les émissions de gaz à effet de serre du même coup : bonne affaire assurément.
Plus sérieusement, ces chiffres soulignent à quel point le contrat social – et donc économique – entre le pays et ses agriculteurs et agricultrices doit être revu. Notre agriculture a été placée, après guerre, dans un cadre productiviste puis exportateur qui s’essouffle de plus en plus.
Qu’est-ce que cela signifie concrètement ?
Si nous diminuons les productions émettrices chez nous – notamment l’élevage – sans changer les habitudes alimentaires, ce sont les importations qui prennent le relais. Est-ce le but ?
Comme le rappelle Jacques Attali dans une tribune, il faudra aussi que le consommateur s’interroge un peu. Jacques Attali estime qu’une crise du régime alimentaire ne pourra pas se résoudre sans une modification radicale de notre mode de vie. Car il n’y a pas qu’en France où les consommateurs ont préféré, ces dernières années, dépenser de plus en plus dans les écrans et les loisirs et de moins en moins dans la nourriture.
Ajuster nos dépenses alimentaires pour protéger nos agriculteurs
Il est illusoire de vouloir changer le modèle agricole sans revoir notre manière de nous alimenter. Dans les dépenses, tout ce qui part dans de l’eau en bouteille, des sodas et des pâtes à tartiner ne va pas dans la poche des producteurs de poireaux, pommes et poulets. Peut-on ensuite reprocher aux producteurs de privilégier les méthodes qui minimisent les coûts ? Imposer des efforts oui, mais en s’assurant que les moyens de les effectuer soient bien là…
En fait, plus on achète transformé, et plus il y aura eu d’émissions, et plus la part qui ira à l’agriculteur sera faible. Si l’on veut aider ce dernier en même temps que baisser ses émissions, faire la cuisine soi-même avec des produits frais achetés au marché et venant de pas trop loin fait partie des actions pertinentes.