Crémation, stockage, enfouissement des déchets… De l’histoire ancienne ! Thierry Jacquet, un paysagiste, est à la tête de Phytorestore, une société spécialisée en phytorestauration, soit en dépollution par les plantes, grâce essentiellement à la technique des zones humides reconstituées. Il s’agit de créer un jardin avec des plantes variées, des roseaux, des iris, typhas, saules,… et ces dernières, loin de « manger la pollution » en accumulant les produits toxiques, la détruisent, grâce à l’activité microbienne créée autour de leurs racines. Résultat : eaux usées, eaux de piscine naturelle, sols pollués… Rien ne résiste. Et par ailleurs, la biomasse des plantes utilisées en phytorestauration n’étant pas polluée, est totalement valorisable.
Interview :
Quelles plantes sont utilisées?
On ne modifie pas les plantes, on les sélectionne en fonction de leur pouvoir de dépollution, de leur potentiel de valorisation, des aspects esthétiques, des climats et de la biodiversité locale. Notre objectif est clairement de ne pas transférer la pollution. On s’est spécialisé dans la recréation des zones humides. Nos plantes, que l’on trouve dans les marais, sont à fort développement racinaire.
On choisit les plantes avec beaucoup de racines qui ont la particularité d’apporter de l’oxygène dans l’eau polluée. On peut phytolaver un sol en moins d’un an, au lieu de 20 ans avec la plante qui mange la pollution!
Et les plantes ne sont pas contaminées…
Non. Elles peuvent même être récoltées pour servir de compost ou de combustibles pour chaudières à biomasse. On travaille pour faire de la thermie puisque leur pouvoir de combustion est supérieur au bois, on peut donc faire de l’énergie. D’autres végétaux sont choisis pour faire des bioplastiques et des matériaux de construction, des parpaings, des parois… Ils sont très légers et permettent une bonne isolation thermique et du bruit.
Est ce que ce procédé est en pleine explosion?
Ca avance peu à peu. Comme d’habitude, c’est culturel ! Nous considérons toujours la dépollution comme un défi industriel ! La solution de suppression des polluants reste plus logique dans l’esprit des gens qui continuent à penser : tuer le polluant, l’enfouir ou le faire brûler, plutôt que de se dire qu’on peut le restaurer. Et puis, aussi, il faut des objectifs politiques forts.
Ma conviction, c’est que ce que nous faisons apparaîtra une banalité dans une centaine d’années. On sait qu’après une usine d’épuration, un traitement par les plantes permet de faire une réparation de la matrice polluée, de la transformer en eau « vivante », ce qu’on ne peut pas faire chimiquement. La réparation par la nature est plus forte que ce qu’on pourrait faire industriellement. Pour les sols, c’est pareil. Les procédés de lavage chimique des sols pollués peuvent enlever les métaux lourds, mais pour retrouver la vie d’un sol, il faut une étape végétalisée. La racine va créer une communauté de vie.
Votre technique est appréciée à l’étranger
Oui, il y a un fort développement à l’étranger et une stagnation ici car le pays est déjà équipé en stations d’épuration, et il n’y a plus les budgets. Pour les industriels, on n’est plus prioritaires : l’environnement est un luxe en période de crise. En Chine ou au Brésil, il y a des rivières polluées et des émeutes… Là-bas, il y a des besoins incontournables et la solution industrielle européenne n’arrive pas en terrain conquis. Il n’y a pas cette tradition hygiéniste où on pense qu’un bon polluant est un polluant mort. Dans d’autres pays, on voit les déchets comme des ressources valorisables, sans cette vision figée qu’on consomme tout et que ça va être la fin du monde ! Les choses se restaurent et se réparent. Avec du travail et de l’action, bien sûr. Autant faire en 2 ans ce que la nature ferait en 150 ans. Il y a urgence à agir. Nous avons une philosophie volontaire, et positive. Au moins, on a fait les choses.
En France, ça se développera avec des approches d’écologie. Aujourd’hui, pas un seul éco-quartier ne traite ses eaux usées avec ces techniques. Ce sont les nouveaux quartiers qui vont initier un changement.
Comment en êtes-vous venu à développer cette technique?
Par conviction, quand j’étais étudiant, je voulais déjà travailler pour une écologie opérationnelle et pas politique, de vraies actions qui restaurent la nature. Quand je suis intervenu pour une collectivité, je me suis rendu compte qu’une part colossale de l’argent allait dans les réseaux d’assainissement. Je pense que les villes ont d’autres choses à développer. J’ai donc proposé une alternative. En 10, 15 ans, les solutions sont devenues plus compactes et efficaces.