Le Flâneur guesthouse, à Lyon, c’est une auberge de jeunesse pas comme les autres. C’est à la fois un hostel « classique » : on y dort dans des dortoirs, on peut se préparer des petits plats dans la cuisine collective, et on ne paye pas bien cher. Mais, depuis 2015, c’est surtout une coopérative : elle appartient à ses salariés, et en plus, s’inscrit dans une démarche solidaire envers les plus précaires. Après avoir passé la nuit dans le dortoir pour femmes à 25 euros la nuit, on a décidé de discuter avec Adrien, l’un des cogérants de cette auberge de jeunesse unique, autogérée et solidaire.
Vous êtes vraiment la première auberge de jeunesse autogérée et solidaire du monde ?
À l’époque, quand on s’est lancés, c’était le cas ! Maintenant, il y a l’Alter Hostel à Lyon, qui est une coopérative aussi mais à ma connaissance, c’est tout. Ce statut, quand on fait de l’hôtellerie, a des contraintes particulières. Notamment des contraintes de gestion : c’est un lieu ouvert 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24. C’est compliqué pour faire des réunions, car il manque toujours des gens !
Ces trois dernières années, on était sept associés, cogérants et cogérantes, on devait venir sur notre temps libre pour ces rendez-vous. Nous sommes en restructuration : on sera désormais quatre cogérants, et on fera davantage de gestion, et moins de tâches quotidiennes.
À la base, tout le monde se partageait toutes les tâches ?
Oui, voilà. Mais notre modèle évolue. Nous devons tout faire, gérer l’administratif, la comptabilité, la gestion des stocks, des événements, le planning, le recrutement… C’est compliqué. Donc on va recentrer les tâches et les cogérants feront moins de ménage par exemple, qui demande moins d’expérience dans l’entreprise.
Comment devient-on cogérant ?
Tout le monde peut candidater après un an dans la Scop du Flâneur en équivalent temps plein, mais on limite les entrées pour que ça reste gérable.
Pourquoi avoir voulu travailler aux Flâneurs ?
J’avais la trentaine, du recul sur ma vie professionnelle, je voulais un boulot dans lequel me projeter. Quand j’ai connu l’existence de cet endroit, une coopérative / auberge de jeunesse avec une dimension sociale, avec la possibilité de devenir mon propre chef, je me suis dit que c’était le boulot de mes rêves !
Justement, en quoi l’auberge de jeunesse autogérée est-elle aussi solidaire ?
On a un partenariat avec l’association l’Ouvre-porte. Ce sont eux qui sélectionnent les candidates et candidat, plutôt des femmes ou des couples avec enfants. Ils collectent l’argent, nous font des demandes pour des séjours d’une semaine maximum. Et nous, on permet des facilités de paiement avec une facture à la fin du mois.
Par ailleurs, beaucoup de collectifs de parents d’élèves, notamment Jamais sans toit, se battent pour que des familles à la rue dorment dans les écoles la semaine. Et puis, grâce à des cagnottes, ils leur payent des nuits chez nous le weekend ou les vacances. Ce sont ces parents qui suppléent aux défaillances de l’État qui ne garantit pas un toit à tous les enfants qui vont à l’école.
Vous travaillez aussi avec des structures d’hébergement plus classiques.
Oui. On bosse avec des centres communaux d’action sociale (CCAS) par exemple. Ce qui fait la différence, c’est qu’on ne demande pas de carte bancaire aux personnes. Certaines n’en ont pas et préfèrent payer en espèces. Et puis, on leur permet de rester autant qu’elles le veulent : certains habitent là. Ils n’ont pas d’appartement, car ne peuvent pas forcément faire les démarches, avoir un garant etc., mais ils travaillent. Il y a parfois un esprit de coloc suivant les périodes !
Le Carillon, qui est une association qui vient en aide aux personnes à la rue, tient aussi des permanences chez nous…
Et vous avez une belle programmation culturelle !
Cela fait un an ou deux, oui ! On fait des concerts, on a une salle d’atelier pour cours de yoga ou de théâtre… Ça permet de s’inscrire dans la vie de quartier. On est en plein milieu de la Guillotière, un quartier populaire (en voie de gentrification) avec une forte mixité de population.
A notre époque, le besoin de vivre ensemble n’a jamais été aussi fort. Avec l’auberge, on un rôle à jouer, dans la vie de quartier. Les gens viennent au bar, sans qu’on les embête pour consommer, d’autres viennent travailler… Il y a un état d’esprit alternatif qui est essentiel, pour lequel j’ai envie de me battre.
Adresse : 56, rue Sébastien Gryphe, Lyon
Prix d’une nuitée : à partir de 22 euros.
Et dans la même rue, il y a un café restaurant végane : Against the grain.