Julie Mendret est maîtresse de conférences à l’université de Montpellier et membre de l’équipe de recherches Génie des Procédés Membranaires de l’Institut Européen des Membranes (IEM). Spécialiste du traitement des eaux usées, elle forme également des ingénieurs dans le domaine de l’eau à Polytech Montpellier. Début avril, l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) a publié les résultats de sa dernière campagne d’analyse nationale dans le réseau d’eau potable. Une étude que l’agence mène tous les trois ans. Nous avons interviewé Julie Mendret suite à cette étude. Julie nous a décrit les contrôles qui se sont intensifiés pour détecter la qualité de l’eau et les membranes sur lesquelles elle travaille pour filtrer certains résidus. Elle a aussi alerté sur la quantité croissante des molécules utilisées puis rejetées dans l’eau. On invoque souvent les industriels et les agriculteurs. Mais les particuliers sont aussi de plus en plus émetteurs de particules à travers l’usage important et croissant de produits de jardinage et d’entretien ménager.
Comment avez-vous réagi en apprenant la découverte de résidus de pesticides interdits dans l’eau potable, mise en avant dans une étude de l’Anses en avril ?
Je n’ai pas été étonnée par cette découverte. Cette découverte est surtout liée à la progression des méthodes d’analyse et de détection des résidus de pesticides ces dernières années. L’année dernière, les contrôles ont encore été intensifiés. Les Agences régionales de santé ont ajouté des nouvelles molécules dans la liste de celles à suivre selon les régions par exemple. Aujourd’hui, on est capable de chercher de plus en plus de molécules et bien souvent, dès qu’on cherche, on les trouve.
Certes, la quantité de molécules utilisées par les particuliers et les industriels est aussi en augmentation croissante. Il est donc facile d’imaginer que cette utilisation s’accompagne d’une augmentation de la concentration des molécules dans les eaux… Cependant, la découverte de nouvelles molécules ne veut pas dire qu’elles n’étaient pas déjà présentes depuis plusieurs années.
Ces nouvelles molécules découvertes dans l’eau potable engendrent-elles un risque d’intoxication ?
Selon moi, il faut rester modéré. Ce sont des concentrations minimes qui sont découvertes. Les valeurs seuils de potabilisation de l’eau sont bien inférieures aux valeurs qui entraîneraient un risque sanitaire pour les populations. On parle de concentration à l’état de « traces » : ces molécules sont repérées juste au-dessus du seuil de détection des laboratoires d’analyse.
Par contre, le problème qui peut se poser est celui de l’accumulation de ces concentrations sur plusieurs dizaines d’années lorsque l’on consomme la même eau. Aussi, des incertitudes demeurent sur la possibilité d’effets « cocktail ». La concentration d’une molécule peut être inoffensive seule, mais couplée à d’autres, un effet toxique peut apparaître. On a peu de connaissances là-dessus, car les études pour analyser ces phénomènes sont difficiles à mettre en place. De plus, la valeur à ne pas dépasser pour certaines molécules n’est pas toujours connue, car on manque aussi d’études de toxicité.
Comment réagir en tant que consommateur ?
Je reste partisane de l’eau au robinet, car c’est le seul modèle soutenable. Si tout le monde venait à boire de l’eau en bouteille, l’impact écologique serait énorme. La bouteille n’est pas non plus épargnée par certains problèmes sanitaires, comme la présence de microplastiques. Plus récemment, on s’est aussi aperçu que ces eaux contiennent également des traces de médicaments et de pesticides. Je continue de faire confiance aux syndicats de bassins versants et aux agences qui gèrent les stations d’épuration, qui vont devoir adapter leurs filières de traitement.
Les solutions pour se prémunir d’une exposition aux molécules dans les eaux consiste surtout à limiter les intrants chimiques sur le territoire dans lequel nous vivons. Il faut passer à une agriculture bio et consommer bio dans la mesure du possible. Cela vaut également pour les jardins ou les potagers des particuliers en ne recourant pas aux engrais de synthèse. Ces molécules sont persistantes dans l’environnement, on peut les retrouver plusieurs dizaines d’années après leur utilisation.
Vous travaillez sur des membranes pour filtrer les particules. Pouvez-vous nous en dire plus sur leur fonctionnement ?
Les membranes servent à retirer des molécules indésirables via le phénomène d’osmose inverse. Celles qui retirent le plus d’éléments sont celles dont la taille des pores est la plus fine, comme celles qui sont utilisées pour le dessalement. Elles peuvent aussi être couplées à des filtres de charbon actif qui permettent de retenir certaines molécules.
Actuellement, toutes les usines n’ont pas recours à la filtration membranaire afin de traiter les pesticides. Elles sont équipées de filtres de charbon actif, parfois de membranes, mais rarement des deux dispositifs. Jusqu’à présent, elles étaient peu équipées car les eaux usées étaient de meilleure qualité ou parce que les contrôles n’étaient pas aussi intenses. Mon travail vise justement à travailler sur des membranes qui peuvent être adaptées à des stations de traitement des eaux usées, pour imaginer réinjecter les eaux usées dans les nappes.
Bonjour,
Vous omettez de parler des méthodes de filtration domestiques, grâce aux filtres à gravité (Berkey) et des filtres à installer sur les robinets (pour la douche par exemple). Il existe également de très bons osmoseurs de marque française, qui permettent également de filtrer l’eau du robinet.
Les municipalités pourraient aider financièrement les foyers à acquérir ces dispositifs, qui peuvent paraître coûteux pour un budget moyen.
Il semble évident qu’au niveau national rien ne sera fait concernant la pollution des eaux par les industries et les agriculteurs non-bio, principalement à cause des lobbies européens.
Même si la recherche est capable de faire à terme la différence, dès aujourd’hui, des actions locales passant par les municipalités seraient plus pertinentes et plus économiques pour tout le monde.
Quant à l’effet cocktail, au vu des difficultés globales de santé des français, il semble plus que probable qu’il touche la majorité de la population. Attendre, avant d’agir, qu’une éventuelle étude le confirme semble dangereux. Faire également confiance aux autorités pour pallier à la pollution de l’eau est également plus qu’hasardeux.
En un mot, comme en cent, filtrons notre eau ! Des solutions existent, applicables par les foyers et, j’espère que « Vivre autrement » les mettra en avant dans un prochain article.
salutations !