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Entretien

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Emma Fourreau : « La pêche industrielle, c’est l’ennemi numéro un des pêcheurs »

Députée européenne (LFI), elle est spécialisée dans la protection des océans.

Emma Fourreau : transition sociale et écologique de la pêche © Matteo Aletta, The Left

Paru le 10 décembre 2024

Ecrit par Perrine de Mon Quotidien Autrement

Emma Fourreau est députée française (La France Insoumise) au Parlement européen depuis juin dernier. À 25 ans, l’élue est également activiste pour la protection des océans et cofondatrice de l’association Sang Océan. Membre de la Commission de la pêche et de celle de l’environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire, elle a placé les sujets marins et environnementaux au cœur de son mandat. Nous nous sommes entretenus avec la jeune insoumise.

Quelles sont, d’après vous, les priorités dans le champ de la protection des océans ?

D’abord, je dirais la question des aires marines protégées. C’est un concept trompeur, ces zones ne sont pas préservées des activités les plus destructrices, notamment de la pêche industrielle et du chalutage de fond. L’enjeu est de créer de véritables aires marines protégées de ces pratiques.

De manière plus générale, il y a l’organisation de la transition sociale et écologique du secteur de la pêche, de la même manière que la transition agro-écologique en cours. Aujourd’hui, des quotas de pêche sont accordés aux plus gros navires, ayant les méthodes de pêche les plus destructrices. Il faudrait, au contraire, favoriser une pêche côtière, artisanale, avec plus de pêcheurs et des bateaux plus petits. Ces méthodes ont un moindre impact sur les écosystèmes marins.

Pousser cette conception de la pêche dans un volet politique est essentiel, afin de préserver le métier de pêcheur ainsi que les écosystèmes marins. Avec le rythme de pêche actuel, il n’y aura bientôt plus de poissons dans l’océan : la pêche industrielle, c’est l’ennemi numéro un des pêcheurs en réalité.

Notamment avec les captures accidentelles, qui accentuent le nombre de prises…

C’est aussi un gros sujet, les captures dites accidentelles, de dauphins notamment. C’est tellement systématique qu’on ne peut plus parler d’accident, ça dure depuis plus de 30 ans. La situation est critique, elle menace la viabilité à moyen terme des populations de dauphins sur les côtes françaises. Dans les semaines les plus critiques pour les cétacés, les pêcheurs sont mis à pied pour préserver ces mammifères marins [ndlr : du 22 janvier au 20 février en 2024, dans le golfe de Gascogne]. Ce n’est pas satisfaisant, parce qu’ils sont certes indemnisés, mais veulent travailler.

Évidemment, nous soutenons cette mesure d’urgence, mais il faudrait réfléchir à changer les pratiques de pêche pour que ces prises accidentelles n’aient pas lieu. Et pour ça, il faut mettre les scientifiques et les pêcheurs autour de la même table, en donnant par exemple plus de quotas aux pêcheurs qui n’ont pas de captures accidentelles. Il n’y a jamais eu de politique incitant les pêcheurs à faire attention : même s’ils capturaient des dauphins, il ne se passait rien.

Comment envisagez-vous de mettre en place cette transition, d’une pêche industrielle à une pêche plus artisanale ?

En réalité, il existe déjà plus de petits bateaux que de gros. Mais il y a un manque de représentation des petits pêcheurs en France. Il faudrait donc rééquilibrer l’attribution des quotas. Quand les petits pêcheurs n’ont pas de quota, ils n’ont pas le droit de pêcher et donc faire leur travail. Un procès a d’ailleurs eu lieu sur ce sujet : de petits pêcheurs ont attaqué l’État français sur les quotas de thon rouge en 2017 et la justice tranche en leur faveur.

Après, il serait bien d’encadrer la taille des navires dans certaines zones. Ça permettrait de déchaluter la pêche française, et ainsi de protéger les fonds marins. Pour ça, l’État doit accompagner la transition, car les pêcheurs ne peuvent pas d’eux-mêmes changer leur pratique, leur bateau, etc. Et ça passe par une meilleure attribution des subventions, qui vont aujourd’hui massivement à la pêche industrielle.

De nombreuses mesures sont à mettre en place, mais aujourd’hui, ce n’est pas la direction privilégiée. Des pêcheurs aux pratiques vertueuses, il en existe, mais ils ne sont pas encouragés, et n’ont pas les moyens de faire leur travail.

Prenons l’exemple du repos biologique des poissons. En hiver, les poissons se reproduisent, il est préférable de ne pas pêcher à cette période. Il n’y aucune mention de cela dans la loi, mais certains petits pêcheurs s’imposent cet exercice. Il faudrait donc que ce soit imposé à tous, autrement les plus vertueux se tirent une balle dans le pied.

L‘échelle la plus pertinente pour mettre cette transition en place, c’est l’échelle européenne. C’est là qu’il y a la politique commune de la pêche. Ainsi, il n’y a pas de concurrence déloyale entre les pêcheurs, puisque les mêmes règles s’appliquent à tous.

Pourquoi ces sujets n’ont pas été réellement investis par les politiques jusqu’à maintenant ?

Ce n’est pas évident de se rendre compte de ces problématiques. C’est un milieu difficile à filmer, à documenter, il est compliqué de voir les milliers de kilomètres rasés sous l’océan. Sensibiliser les gens, c’est un véritable défi, même si des coalitions d’associations ont été créées ces dernières années (par exemple, sous l’impulsion de Bloom : Ocean Coalition). Aujourd’hui, les politiques et la sphère écologique se sont emparés du sujet, mais ce n’était pas le cas quelques années auparavant.

Concernant les poissons, par exemple, nous pensons qu’ils ont un impact environnemental plus faible que la viande, mais c’est faux. Déjà, en termes de conditions animales, ce sont les animaux les moins bien lotis. Il n’y a aucune réglementation, notamment européenne, sur la manière de les transporter ou de les abattre. Mais il y a aussi l’enjeu écologique, car les poissons stockent du carbone. Quand ils meurent naturellement dans l’océan, ils coulent et le carbone se sédimente. Quand ils sont capturés, du CO2 se libère alors à la surface. C’est une bombe écologique, et peu de personnes en ont réellement conscience.

Vous avez rencontré Paul Watson détenu au Groenland. Cet activiste, luttant contre la chasse à la baleine, est incarcéré depuis juillet dernier. Pour vous, quel message envoie son incarcération ? 

Un message terrible, d’un manque de protection envers les militants environnementaux. En 2022, 177 personnes ont été tuées dans le monde pour leur engagement environnemental, une répression très violente est déjà en place dans certaines régions. Si Paul Watson tombe alors qu’il est extrêmement connu, cela signifie que les autres militants écologistes sont encore plus menacés en Europe. Cela sous-entend que faire respecter la loi pour protéger l’environnement, c’est un crime. Alors que le crime, c’est de tuer les baleines, pas de les sauver. Elles sont des piliers des écosystèmes marins, donc les chasser, c’est nous tuer à petit feu.

Mais, la mobilisation est à la hauteur de la gravité. Des rassemblements sont organisés partout en France pour demander la libération de Paul Watson, avec des personnes se mobilisant parfois pour la première fois. Paul Watson reçoit énormément de lettres, dont 70 % de la France, et c’est ce qui le fait tenir.

Cette solidarité internationale, c’est notre force, notre arme face à la répression politique et judiciaire. Nous sommes plus nombreux, soudés, et face à la criminalisation des militants environnementaux, nous ne fermons pas les yeux. C’est cette voie qu’il faut continuer à suivre.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Avis sur : Emma Fourreau : « La pêche industrielle, c’est l’ennemi numéro un des pêcheurs »

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