Des pesticides dans notre eau potable ? Début avril, l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) a publié les résultats de sa dernière campagne d’analyse nationale dans le réseau d’eau potable. Une étude que l’agence mène tous les trois ans. Le principe : partir à la recherches des composés chimiques qui sont peu ou pas recherchés lors des contrôle réguliers, effectués au niveau des usines de potabilisation.
Et comme le veut l’adage, quand on cherche, on trouve. 136 000 résultats d’analyses ont été étudiés, représentant 1/5ème des points de captage d’eau en France. Et 157 pesticides et métabolites de pesticides – c’est-à-dire des composants issus de la dégradation des produits phytopharmaceutiques – ont été retrouvés. Sept avec des teneurs supérieures à la limite de qualité.
Un fongicide interdit en France depuis 2020
Parmi eux, le chlorothalonil R471811, issu de la dégradation d’un fongicide interdit depuis 2020 en France. Ce métabolite a été retrouvé dans plus d’un prélèvement sur deux. Et, plus problématique, dans des concentrations au-delà de la limite de qualité une fois sur trois.
L’Anses a classé le R471811 comme « pertinent » dans ses catégories, c’est-à-dire qu’il fait peser un risque sanitaire pour les consommateurs. Cela signifie qu’il doit demeurer sous un certain seuil, au même titre que sa molécule-mère, un fongicide considéré comme cancérogène probable par les autorités sanitaires européennes. Jusqu’ici le R471811 n’était pas intégré aux plans de surveillance de toutes les agences régionales de santé (ARS) du fait de son statut de polluant émergent.
Les améliorations seraient coûteuses
Transmis aux Agences régionales santé et à la Direction générale de la santé, les résultats de cette campagne d’occurrence pourront permettre d’établir des repères scientifiques fiables pour éventuellement compléter la liste de molécules à surveiller dans le cadre des contrôles sanitaires réguliers des eaux. Les autorités pourront également définir de mesures de gestion vis-à-vis des composés dépassant la limite de qualité.
Lutter contre la présence de ces pesticides et métabolites dans l’eau potable est toutefois coûteux. Ils nécessitent l’utilisation de filtres à charbons actifs ou à osmose inverse (une technique de filtration). Interrogé par Le Monde, Mickaël Derangeon, vice-président d’Atlantic’Eau, le principal gestionnaire des aires de captage d’eau de Loire Atlantique, estimait qu’une modernisation des techniques de traitement risquait d’entraîner une augmentation du prix de l’eau. Une mise au norme difficilement compatible avec le budget des petites collectivités.
Ces résultats soulignent la persistance de certains polluants dans l’environnement, présents des années encore après leur interdiction d’usage. Ainsi que les lacunes de traitement des eaux brutes destinées à la consommation.
Et les industries phytosanitaires qui produisent ces pesticides ne sont-elles pas responsables ? Elles doivent être poursuivies et payer la décontamination de l’eau