Anne-Sophie Estruch, journaliste indépendante, a grandi à Orthez (Pyrénées-Atlantiques), à une heure et demie des premiers sommets pyrénéens. En mars 2023, elle crée son propre podcast : Latitudes Pyrénées, à travers lequel elle donne la parole aux habitants du territoire, afin de transmettre leur amour et leur engagement pour ces montagnes.
Quelle était la volonté de départ, lorsque vous avez lancé Latitudes Pyrénées ?
Quand j’étais petite, je n’habitais pas à la montagne, mais j’y allais régulièrement, dans un centre de vacances, pour les vacances de Noël. À chaque fois, les habitants des lieux nous racontaient plein d’histoires. Des anciens qui parlaient de leur rapport à la montagne, leur rapport aux activités hivernales, à l’été, au pastoralisme…
Je voulais donc créer un format dans lequel je donnerais la parole, sur du temps assez long, aux habitants des Pyrénées, pour les questionner sur leur rapport à la montagne et au territoire. L’idée, c’était de sortir du format carte postale, qui présente souvent de manière assez idyllique et superficielle les Pyrénées, surtout dans leur version randonnée, pour s’intéresser aux histoires des locaux.
À qui est destiné ce podcast ?
Il s’adresse aux gens d’ici, des vallées, des régions Nouvelle-Aquitaine et Occitanie. Mais j’ai aussi envie de pouvoir toucher plus largement, que les auditeurs puissent se dire qu’il y a beaucoup à apprendre de ces territoires de montagne.
Pourquoi les gens se sont installés ici, pourquoi ils restent, pourquoi certains reviennent-ils ?
Comment sont sélectionnées les personnes interviewées ?
Je fais beaucoup de recherches pour identifier des personnes, des activités particulières, sur des thématiques qui me parlent. Il commence aussi à y avoir aussi du bouche-à-oreille, au fil des rencontres. On me dit « Ah, il y a telle personne là-bas, tu pourrais y aller ! »
J’essaie d’alterner entre des personnes déjà médiatisées et des anonymes. Ça peut être la faiblesse du podcast, parce que c’est plus dur d’amener les auditeurs à écouter des histoires de parfaits inconnus. Mais je trouve que ça permet de se rendre compte qu’il y a de l’extraordinaire chez tout le monde. Que chacun a sa réalité, mais que tout le monde agit, parfois dans son coin ou à des échelles plus grandes. Mais certaines de ces personnes n’ont jamais été mises en avant. Et ça, je tiens à le raconter.
Et justement, quels types d’histoires peut-on écouter dans le podcast ?
Il y a de tout ! Par exemple, j’ai rencontré Jean François Godart, gérant de la Grotte de la Verna dans les Pyrénées-Atlantiques. Il est spéléologue et nous parle de son métier et de l’histoire de ces grottes. Je me suis également entretenue avec des auteurs, comme Nanou Saint Lèbe : elle a écrit sur les premières femmes alpinistes dans les Pyrénées, mais aussi sur l’ours.
Récemment, j’ai invité Thibaud Adema, ancien rugbyman devenu professeur de yoga, qui est revenu s’installer dans les Pyrénées pour ouvrir son business et apporter quelque chose de nouveau. Ou encore Didier Peyrusqué. Il raconte son parcours de fils de berger et nous parle des vautours. Les profils sont donc vraiment très variés, mais toujours liés aux Pyrénées.
L’écologie a une grande place dans les épisodes, pouvez-vous nous raconter ?
Il y a des épisodes très centrés sur la protection de l’environnement, comme celui avec Pierre René. Il est glaciologue et étudie les glaciers des Pyrénées, et leur fonte.
Mais dans tous les épisodes, je demande quels changements la personne observe dans les Pyrénées. En termes de vie sociale, et également par rapport à l’évolution climatique et à la nature. Je trouve que c’est primordial d’aborder ces sujets. Et c’est très intéressant d’entendre les points de vue différents. Quand tu habites dans un milieu naturel, tu as une vision assez claire de cette évolution.
Ils sont tous assez d’accord pour dire que la situation est préoccupante, tout en reconnaissant, en majorité, que les Pyrénées sont plutôt préservés, pas au niveau des changements climatiques, mais en termes de développement des territoires. Ça reste sauvage, tu trouves des lieux où tu peux encore être seul : il y a de la faune, tu peux voir toutes les strates de la montagne, de la forêt à la plaine, en passant par la roche.
Ils relèvent aussi que, depuis le Covid, il y a beaucoup plus de monde en montagne. Le développement touristique est important, et a nécessairement un impact sur la nature.
Pourquoi c’est important, pour vous, de porter les histoires de ces territoires aux oreilles du grand public ?
Je trouve que c’est facile de ne voir les territoires de montagne qu’à travers la beauté des paysages. Certes, la beauté en fait partie, mais je voulais sortir de cette idée de consommation : je vais à la montagne le week-end parce que c’est beau, je m’aère l’esprit et puis je repars dans ma vie à toute vitesse.
C’est nécessaire d’entendre des histoires de personnes qui y vivent au quotidien, parce que tout n’est pas rose. Vivre dans des territoires ruraux, ça rime aussi avec toutes les problématiques qu’on connaît : le manque d’accès à la santé, aux commerces, etc.
Ce qui me touche à chaque fois, c’est à quel point les gens sont attachés à leur lieu de vie et à leurs racines. Ils sont en communion avec la nature et leur village. J’ai fait plusieurs interviews de personnes sensibles à la langue béarnaise, ou à la préservation de leur culture, par exemple. C’est important de le raconter et de le transmettre.
Aujourd’hui, je tiens à montrer que chacun peut avoir son identité et ses racines, sans que cela empêche de s’ouvrir au monde. Accepter et comprendre des visions et des histoires de vie différentes, selon notamment le lieu d’où l’on vient, c’est primordial pour vivre ensemble.

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