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Comment pouvons-nous financer la transition écologique ?

Entretien avec Nicolas Dufrêne, directeur de l'Institut Rousseau.

En France, la transition écologique pourrait coûter entre 600 et 700 milliards par an pendant 10 ans.

Paru le 3 novembre 2020, modifié le 30 mars 2021

Ecrit par Déborah de Mon Quotidien Autrement

Nicolas Dufrêne est économiste haut fonctionnaire. Il est aussi directeur de l’Institut Rousseau, fondé en février 2020 avec l’économiste Gaël Giraud. Cet institut rassemble chercheurs, hauts fonctionnaires, dirigeants d’entreprise se retrouvant autour d’une pensée « républicaine, écologique et sociétale ». « Notre but est de fournir les clés pour une alternative durable qui soit transposable opérationnellement par les pouvoirs publics », explique Nicolas Dufrêne. Pour Mon Quotidien Autrement, il décortique les mécanismes de financement de la transition écologique et réaffirme le rôle indispensable de l’État.

Nous parlons régulièrement dans Mon Quotidien Autrement de la transition écologique. Combien cette transition pourrait-elle coûter à la France ?

Nicolas Dufrêne : Les besoins de financement sont très importants. Selon un récent rapport de l’Insee, il faudrait investir 100 milliards d’euros par an pendant 10 ans. C’est 50 à 60 milliards de plus que ce qui est dépensé chaque année au titre de la transition écologique.
Et ce chiffre correspond à une fourchette basse. Si l’on intègre également l’économie circulaire et l’agro-écologie, non prises en compte dans le rapport de l’Insee, il faudra certainement autour de 100 milliards d’euros supplémentaires chaque année.

Qui peut/doit financer la transition écologique ?

Nicolas Dufrêne : La difficulté est que tous les investissements nécessaires ne présentent pas de rentabilité financière forte et immédiate. C’est le cas de la rénovation énergétique des bâtiments ou encore de la restauration des zones humides. Mais ces investissements sont rentables socialement. Dans ces domaines, c’est à l’État de prendre en charge le coût de la transition et de s’endetter pour venir en aide au marché. Il doit ainsi aider à financer la conversion de l’agriculture en bio, les actions de recyclage, les transports en commun… Cela doit aussi passer par l’embauche de fonctionnaires car ce sont ces fonctionnaires qui s’occupent des parcs nationaux, qui travaillent à l’Office français de la biodiversité, à l’Office national des forêts… Actuellement l’État fait l’inverse : le projet de loi de finances 2021 prévoit la suppression de 1100 postes au sein du ministère de la Transition écologique.

Le plan de relance, associé au budget 2021, prévoit bien un volet de 32 milliards d’euros sur deux ans dédié à la transition écologique. Mais en réalité, il s’agit avant tout de réallocations et de mesures périphériques. Au final, on arrive plutôt à un budget réellement dédié à la transition de 6,6 milliards d’euros en 2021. Le reste est reporté à 2022 ou même plus tard. Le gouvernement ne sera alors peut-être plus en responsabilité. Il faut pourtant que l’État accepte de s’engager et de s’endetter massivement sur le long terme. Ces investissements soutenus de l’Etat dans la transition écologique seront pourvoyeurs d’emploi dans de nouveaux métiers. Qui dit emploi, dit revenu. Les citoyens pourront alors consommer en s’orientant vers des produits et services plus éthiques et écologiques.

Nicolas Dufrêne
Nicolas Dufrêne

L’État est en train de s’endetter de manière massive pour faire face à la crise sanitaire et économique liée à la Covid. N’est-on pas déjà dans une situation critique d’endettement ?

Nicolas Dufrêne : Il n’existe pas de niveau critique d’endettement de manière absolue. Aujourd’hui, avec la Covid nous allons atteindre un endettement équivalent à 120 % du PIB. Il y a des pays, comme le Japon, qui vivent plutôt bien avec un niveau de dette publique égale à 250 % de leur PIB. Il est tout à fait possible d’emprunter massivement si la dette publique est soutenable à long terme. Cela veut dire que le taux auquel on emprunte doit être inférieur au taux de croissance anticipé. Aujourd’hui en France, on peut emprunter à 0 % et on attend une croissance de 1 ou 2 % dans les années à venir (hors récession liée à la crise). On a tout intérêt à s’endetter, car mécaniquement, l’investissement soutient la croissance, qui rend la dette soutenable.

Mais où l’État peut-il trouver tout cet argent ?

Nicolas Dufrêne : L’État peut s’endetter sur les marchés avec le soutien de la Banque centrale européenne (BCE). Autrement dit, pour financer ses investissements, l’État crée des titres de dette qui sont ensuite achetés par des banques ou des compagnies d’assurances, qui les revendent ensuite à la BCE. C’est la BCE qui finance ainsi indirectement l’État, en lui permettant ainsi d’emprunter à taux faibles. C’est le fonctionnement actuel. Notons que c’est un procédé lourd qui génère des commissions payées aux intermédiaires que sont les banques et qui rend les investissements nécessaires dans l’économie dépendants de leur bon vouloir.
Dans le livre coécrit avec Alain Grandjean – Une monnaie écologique (éditions Odile Jacob, février 2020) – nous affirmons qu’il serait nécessaire de réformer les traités européens pour permettre un financement direct des États et des banques publiques (la BPI en France), via la BCE. Cela permettrait de débloquer des fonds bien plus importants, car la BCE peut créer de l’argent sans limite et libre de dette. C’est un peu de l’argent magique.

De l’argent magique ? On se souvient pourtant par exemple de la Grèce qui s’est retrouvée en grande difficulté après que la BCE, le FMI et la Commission européenne lui ont prêté de l’argent en 2010.

Nicolas Dufrêne : Justement, la Grèce est l’exemple parfait d’un pays qui n’avait pu emprunter qu’à des taux d’intérêt élevés. Et par ailleurs son endettement s’est accompagné d’une politique d’austérité massive entraînant une forte récession. Un endettement fort n’est soutenable que s’il est accompagné de croissance, d’une part, et d’investissements, d’autre part.

Cet « argent magique » est de l’argent que l’on crée de toute pièce. Une telle création monétaire n’entraîne-t-elle pas un risque important d’inflation ?

Nicolas Dufrêne : La problématique actuelle est plutôt le risque d’effondrement économique et non celui d’inflation. C’est encore plus vrai avec la crise de la Covid. La BCE n’arrive pas à atteindre l’objectif de 2 % d’inflation en Europe qu’elle s’est elle-même fixée car c’est ce qui est considéré comme un taux d’inflation normal pour une activité économique saine. Or, depuis plus de 10 ans, on tourne plutôt entre 0 % et 1 % d’inflation. On constate même une récente tendance à la déflation. En août 2020, les prix en France ont par exemple reculé, en raison du ralentissement de l’activité économique. Il faut conjurer ce risque de stagnation en investissant. C’est une question de survie afin de limiter la casse sociale et écologique.

Reste la question du contrôle des investissements. Comment s’assurer que l’argent emprunté par l’État serve bien à financer la transition écologique et non les énergies fossiles, par exemple ?

Nicolas Dufrêne : L’État a commencé à travailler sur des critères d’évaluation des budgets avec une classification en fonction de l’impact écologique. Mais le ministère des Finances lui-même reconnaît que le système est à affiner.
Il faudrait surtout renforcer les dispositifs de contrôle sur le terrain. Notamment dans les Directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) et dans les autres services territoriaux déconcentrés de l’État, qui disposent d’ingénieurs publics et de personnels qualifiés capables d’agir sur cette notion de contrôle. Mais il faudrait là aussi que l’État investisse pour recruter et former ces personnels compétents et qu’il aide les structures privées à développer aussi leurs compétences.

La position de Mon Quotidien Autrement :

Il y a urgence à ce que les États en Europe s’endettent massivement auprès de la Banque centrale européenne afin de mener en parallèle deux plans d’investissement :

  • Un plan d’investissement à court terme permettant de limiter la casse économique et sociale liée à la crise sanitaire ;
  • Un plan d’investissement à long terme permettant de créer une nouvelle dynamique autour de la transition écologique. Ce plan à long terme devra être mis en œuvre par des experts territoriaux rémunérés par l’État et compétents dans les différents domaines d’action (agro écologie, économie circulaire, transports en commun, rénovation énergétique des bâtiments …)

En France, notre situation financière actuelle nous le permet. Il faut juste de l’audace, se lancer et s’assurer que l’argent arrive entre les bonnes mains !

Et nous citoyens, comment pouvons-nous agir ?

Nous pouvons agir en votant pour les personnes qui oseront enfin mettre tout l’argent nécessaire sur la table pour construire une France et une Europe différentes, plus écologiques, plus éthiques et respectueuses du bien commun. En 10 ans, ces plans permettront la création de nouveaux emplois, d’une nouvelle dynamique tout en préservant la planète pour les générations suivantes.

A plus court terme, nous pouvons aussi soutenir l’action de Pierre Larrouturou, le rapporteur général du budget 2021 pour le Parlement européen, qui demande à ce que les transactions financières soient taxées. Regardez sa vidéo et agissez si vous partagez son point de vue.

Avis sur : Comment pouvons-nous financer la transition écologique ?

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